du 6 juin au 30 septembre 2009
Les destins croises de Max Jacob – Pablo Picasso –Guillaume Apollinaire
Une « trinité »
Le père serait Picasso, le fils Max et le Saint-Esprit Guillaume
Ainsi, pour Jean Cocteau ce qui réunit les deux poètes « c’est leur génie et la personne de Picasso à gauche et à droite duquel on doit les peindre ».
En hommage à Cyprien Max Jacob, Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire qui partagèrent une amitié triple; cette exposition propose : des œuvres graphiques de Max Jacob et Picasso, des calligrammes de Guillaume Apollinaire qui transformera ses poèmes en tableaux à lire, des bois africains qui évoquent les influences primitivistes que les trois amis ont partagées. Une correspondance, des documents qui mettent en lumière les liens étroits entre ces artistes tour à tour inspirateurs et inspirés du cubisme qui ont marqués le XXe siècle.
En 1901 lors d’une exposition Picasso chez Vollard Max Jacob rencontre Picasso. Rapidement Max Jacob employé de commerce, qui habite une chambre va accueillir Picasso : Picasso dessinait toute la nuit et quand je me levais pour aller au magasin, il se couchait pour se reposer écrit Max Jacob qui renonce aux carrières qui s’ouvraient à lui, l’Ecole coloniale, le droit et à la critique d’art, tandis que tous deux s’enfoncent dans les difficultés matérielles. Apollinaire collabore à Tabarin, hebdomadaire satirique de Montmartre et publie ses trois premiers poèmes signés Wilhelm Kostrowiztky, dans la revue La Grande France.
En 1902, c’est la révélation des toiles bleues pour Picasso. Le début de l’année sépare Max Jacob et Picasso qui rentre dans sa famille à Barcelone. Apollinaire commence à collaborer à l’hebdomadaire L’Européen, la Revue blanche.
En 1905 l’agenda d’Apollinaire, à la page du premier mars, porte les adresses respectives de Max Jacob et de Picasso. Il écrit un article sur Picasso dans La Plume, hôte assidu du Bateau-Lavoir, il devient le premier théoricien qui entreprit d’écrire sur l’œuvre de Picasso. Max Jacob site : Picasso et Apollinaire se comprirent admirablement. Picasso peignait des arlequins et des saltimbanques. Apollinaire en mettait dans ses poèmes, la figure d’Apollinaire est souvent répétée dans ses œuvres ; la mienne aussi. Nous ne nous quittions guère : nous allions attendre Guillaume Apollinaire à la sortie de la banque qui l’employait. Nous déjeunions et dînions ensemble. Max Jacob continue de jouer le rôle de pourvoyeur d’œuvre de Picasso auquel il dédie le poème Le cheval. Les deux amis échangent des dessins et en réalisent ensemble. Picasso peint ses premières toiles roses.
En 1906 Picasso passe Noël sans Max Jacob qui est parti dans sa famille. Picasso pour subsister vend des dessins humoristiques à L’Assiette au beurre. Cette même année un événement majeur va se produire, le passage de Vollard dans l’atelier de Picasso qui repart avec une profusion de toiles roses. Apollinaire raconte : On sabla le champagne, ont mangea des asperges… Puis Max Jacob chanta des romances veillottes, nous dit un monologue et dansa des gavottes….
L’année 1907 va être fertile en événements. Max Jacob rejoint Picasso à Montmartre, peu après l’installation du peintre au Bateau-Lavoir. Apollinaire entame un renouveau créateur avec le poème Le Brasier, écrit dans La Phalange, publie sans nom d’auteur, Les onze mille Verges, illustré par Picasso qui découvre l’art nègre lors d’un dîner chez Matisse fin 1906 début 1907. Max Jacob écrit : Nous dînâmes un jeudi soir quai Saint-Michel, Salmon, Apollinaire, Picasso et moi…Or, Matisse prit sur un meuble une statuette de bois noir et la montra à Picasso. C’était le premier bois nègre. Picasso le tint à la main toute la soirée. Le lendemain quand j’arrivai à l’atelier, le plancher était jonché de feuilles de papier Ingres. Sur chaque feuille un grand dessin, presque le même : une face de femme avec un seul œil, un nez trop long confondu avec la bouche, une mèche de cheveux sur l’épaule. Le cubisme était né. Cette même femme reparut sur des toiles. Au lieu d’une femme, il y en eut deux ou trois. Puis il y eut à l’origine une scène narrative, montrant un marin assis parmi des femmes nues dans une maison close, cependant qu’un homme entre sur la gauche, puis la scène a évoluée, au bout du compte il est resté cinq femmes nues dont la condition n’était pas immédiatement reconnaissable titre premier du tableau inventé par Apollinaire Max Jacob et Salmon Le Bordel philosophique le nom sous lequel il est aujourd’hui célèbre Les Demoiselles d’Avignon. Mais ce fut Braque qui exposa le premier tableau cubiste : Un soir Picasso connut Braque et en fit son élève. Ce fut Braque qui eut la charge d’exposer le premier tableau cubiste.
En 1908 Max Jacob expose six œuvres au Salon des indépendants, Apollinaire et Picasso prêteront chacun une œuvre pour cette exposition. Apollinaire décide de vivre de sa plume et passe un contrat avec la Bibliothèque des Curieux.
En 1909 Première parution sur Sade et poèmes majeurs, dont La Chanson du malaimé, premier livre pour Guillaume Apollinaire L’Enchanteur pourrissant alors qu’une querelle secoue l’amitié difficultueuse qui le lie à Max Jacob. Il écrit à Picasso : Mon cher ami, Je suis étonné que tu n’aies pas reçu ma lettre. Je suis très mal avec Apollinaire qui s’est conduit comme un goujat. Je fredonne. Max.
En 1910 Max Jacob peint Apollinaire et sa muse, partage avec Picasso ses premiers essais cubistes. Chroniqueur à la Démocratie sociale, Apollinaire collabore à Paris-Journal et tient la rubrique La vie artistique de L’Intransigeant, publie un recueil de contes L’Hérésiaque et Cie. Max Jacob travaille à son roman quimpérois, Le Terrain Bouchaballe qui paraîtra en 1923.
En 1911, c’est la sortie pour Max Jacob de Saint Matorel, premier livre illustré du cubisme, illustré de quatre eaux-fortes de Picasso et dédié à Guillaume Apollinaire. Un livre nourri de la vision christique qu’eut Max Jacob. Ainsi, Victor Matorel devenu frère Manassé, meurt en odeur de sainteté au couvent des Lazaristes à Barcelone où il entre en octobre 1909, au moment ou Max Jacob a la révélation du Christ sur le mur de sa chambre. Après la publication de Saint Matorel Max Jacob tombe malade et s’installe au Bateau-Lavoir. Max Jacob habitait là, presque sous mon atelier se souvient Picasso. C’est là qu’il dédicacera à Guillaume Apollinaire son exemplaire de La Côte tandis qu’Apollinaire publie son premier recueil poétique Le Bestiaire au cortège d’Orphée .
En 1912 Premier collage de Picasso, Nature morte à la chaise cannée. Max Jacob publie Les œuvres burlesques et mystiques de frère Matorel mort au couvent, illustré de 64 gravures sur bois d’André Derain, édité chez Kahnweiler. Les amis d’Apollinaire l’aident à fonder une nouvelle revue, Les Soirées de Paris, alors qu’il poursuit ses activités de critiques d’art en défendant les cubistes.
En 1913 Apollinaire fait paraître son œuvre majeure Alcools, qui porte d’abord le titre eaux-de-vie, et pour laquelle Picasso réalise son portrait pour le frontispice du recueil de poèmes. Publie les Méditations esthétiques. Les peintres cubistes dans lequel il tente une classification des différentes tendances du cubisme de Picasso à Braque, Léger, Marie Laurencin, Delaunay, Gleizes et Metzinger, etAntitradition futuriste. Manifeste-synthèse, geste ambigu de rapprochement avec l’avant-garde italienne. Max Jacob s’adonne aux dessins cubistes alors qu’il séjourne avec Picasso à Céret (Pyrénées Orientales).
En 1914 Sortie du Siége de Jérusalem pour Max Jacob, drame céleste en trois actes, publié chez Kahnweiler avec deux eaux fortes et une pointe sèche de Picasso qui peint le verre d’absinthe avant son retour au portrait. L’Intransigeant ôte sa rubrique artistique à Apollinaire et lui reproche de prendre trop vivement le parti du cubisme. Il publie lettre-Océan le premier idéogramme lyrique publié dans Les soirées de Paris. Il dépose une demande d’engagement volontaire assortie de sa demande de naturalisation. Le 4 décembre il signe son engagement pour la durée de la guerre.
En 1915 Picasso réalise un portrait de Max Jacob, un dessin à la mine de plomb dans la plus pure tradition ingresque. A la chapelle Notre-Dame de Sion, Max Jacob reçoit de son parrain de baptême Picasso, le prénom Cyprien. Picasso raconte à Apollinaire : J’ai été le parrain dans le baptême de Max. Il se nomme Cyprien. Le recueil d’Apollinaire Case d’armons est imprimé.
En 1916 remonté au front Apollinaire est blessé d’un éclat d’obus à la tempe droite. En octobre il publie le Poète assassiné, recueil de contes prêt avant guerre et auquel il ajoute un ultime chapitre. C’est la sortie des Alliès sont en Arménie, pour Max Jacob : seul texte de Max Jacob signé C.Max Jacob. Apollinaire participe du front par lettres aux événements de la vie parisienne alors que Montparnasse avait alors détrôné Montmartre comme centre du monde des arts et des lettres. Cocteau présente Diaghilev à Picasso qui accepte de réaliser les costumes et les décors de Parade dont la première a lieu au théâtre du Châtelet.
En 1917 Janvier-février exposition Picasso-Matisse chez Paul Guillaume. Le 12 juillet : mariage d’Olga et de Picasso à l’église russe de Paris. Les témoins étaient pour Picasso, Guillaume Apollinaire et Max Jacob; pour la mariée Jean Cocteau et le colonel Swetloff. Parution du Phanérogame, à compte d’auteur, dédié à André Salmon et apparition prochaine de poèmes en prose pour Max Jacob. Apollinaire renoue avec les milieux artistiques et reprend ses activités littéraires et journalistiques. Première de la pièce les Mamelles de Tirésias. Publie Vitam impendere amori et écrit un scénario de cinéma.
En 1918 Apollinaire publie Calligrammes poème de la paix et de la guerre. Apparition prochaine d’un nouveau livre de vers. Six mois plus tard, la veille de l’Armistice il meurt de la grippe espagnole. Le soir même Cocteau écrit à Salmon : Le pauvre Apollinaire est mort. Picasso est trop triste pour écrire, il me demande de le faire. Apollinaire laisse notamment un opèra-bouffe Casanova.
L’année 1919 verra pour Picasso la réalisation d’un important projet, le peintre est embauché par Diaghilev pour réaliser les décors et costumes d’un ballet espagnol, Le Tricorne. Max Jacob fait paraître la Défense de Tartuffe avec une gravure de Picasso. Extases, remords, visions, prières d’un juif converti. Il expose pour la première fois à la Galerie Bernheim-Jeune. Une trentaine d’œuvres qui ont fait la notoriété de Max Jacob jusqu’à nos jours : des vues de Paris : le Luxembourg, Notre Dame, l’Opéra et les Grands boulevards, des scènes de théâtres, des paysages et des scènes bretonnes réalisées après les essais cubistes d’avant guerre sont exposés dans la galerie de Georges Terrisse.
En 1920 Représentation de la pièce de Max Jacob Ruffian toujours, truand jamais sur une musique d’Eric Sati. Parmi la brillante assistance se tenaient Picasso, Salmon, Cocteau, Darius Milhaud.
De 1921 à 1928 Max Jacob se retire dans l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire où il demeure de nouveau à partir de 1935, et jusqu’à sa mort. Là, il écrit d’innombrables méditations religieuses et dessine des scènes inspirées de la Bible. Picasso peint les femmes à la fontaine et les trois musiciens.
En 1923 Sortie de la Couronne de Vulcain de Max Jacob, contes bretons édités par la galerie Simon, illustrés de trois lithographies de Suzanne Roger. Picasso peint la flûte de Pan.
En 1931 Poulenc met en musique cinq poèmes de Max Jacob. Edition de deux œuvres majeures pour Picasso Les Métamorphoses d’Ovides, chez Skira et Le chef-d’œuvre inconnu de Balzac chez Ambroise Vollard.
En 1933 Premier numéro de la revue Minotaure avec une couverture de Picasso. Le Rideau de Paris monte une soirée Max Jacob, sur la couverture du programme un portrait de Max Jacob par Picasso.
En 1937 Picasso achève Guernica et rend visite cette même année à Max Jacob à Saint Benoît. Max Jacob écrit: Picasso est venu en 37 me souhaiter la bonne année le 1 er janvier en ces termes : C’est le jour de la famille alors je viens te voir ! Tu confonds avec le jour des morts. C’est le jour des cimetière. Il avait son chauffeur, son fils et sa maîtresse. Il me proposa de m’emmener chez lui à jamais Très gentil. Je compris qu’il me faudrait vivre entre les surréalistes et les communistes et je répondis : Ma foi ! non… depuis plus de nouvelles !…
En 1938 Max Jacob donne à la bibliothèque Doucet une conférence sur Apollinaire. Grand collage de Picasso Les femmes à la toilette.
En 1942 Max Jacob porte l’étoile jaune. Picasso peint Assemblage, tête de taureau.
En 1943 Roger Toulouse demande à Max Jacob en dépit de l’interdiction de publier qui le frappe d’écrire un texte sur Apollinaire Et son texte Souvenir daté de Saint-Benoit-sur-Loire, paraîtra le 18 novembre. Oui c’est mon ami disait Apollinaire de Max Jacob il est le seul homme à Paris qui sache rire.
Le 5 mars 1944 Max Jacob qui a renouvelé l’écriture poétique meurt d’une pneumonie au camp de Drancy, d’où partaient les convois pour l’Allemagne. Picasso adhère au parti communiste français. Sa première pièce surréaliste le Désir attrapé par la queue est publiée. Le Salon d’automne présente une rétrospective Picasso.
En 1948 Picasso peint les deux versions de La cuisine. Réalise la couverture de Verve n°19-20, Edtion Tériade
Le 5 mars 1949 Max Jacob est inhumé au cimetière de Saint-Benoît-sur-Loire. Déclaré mort pour la France. Henri Dion, Roger Toulouse et Georges Durand lancent l’idée d’une société des Amis de Max Jacob, qui allait voir le jour l’année suivante et dont le comité d’honneur sera présidé par Picasso. La Colombe de Picasso est choisie par Aragon pour l’affiche du Congrès de la Paix qui ouvre à Paris le 20 avril de cette même date.
En 1951 Picasso peint Massacre en Corée. Réalise la couverture de Verve n° 25-26. Edtion Tériade
En 1954 Picasso peint le Portrait de Sylvette David. Réalise la couverture de Verve n° 20-30. Edtion Tériade
En 1956 Picasso peint L’atelier de Californie. Pour le dixième anniversaire de la mort de Max Jacob, l’éditeur Louis Broder propose de publier la Chronique des temps héroïques, Picasso collabora avec des lithographies pour le frontispice, la couverture et l’emboîtage. Le livre est achevé d’imprimer le 24 octobre pour les soixante-quinze ans de l’illustrateur. Ainsi paraissait le livre qui devait à l’origine conserver la mémoire de Paul Guillaume, et qui se révèle à la lecture être une chronique de l’histoire des arts du premier quart du XXe siècle, dont les protagonistes sont essentiellement Picasso et Apollinaire.
En 1966 Inauguration de la Rétrospective Picasso au Grand Palais et au Petit Palais.
Picasso dira nommant ses amis écrivains qui sont responsables d’un nouvel état d’esprit : Tour à tour inspirateurs et inspirés du cubisme, Max Jacob, Apollinaire, Salmon ont voulu cette précision de forme, née d’une pensée claire qui fixe une attitude nouvelle au langage.
En 1973 Exposition à la galerie Louise Leiris des 156 gravures de Picasso réalisées entre 1970 et 1972. 8 avril mort de Picasso. Exposition de 201 toiles au Palais des Papes d’Avignon.
Sources biographiques : Max Jacob et Picasso, d’Hélène Seckel, ancien conservateur en chef du musée Picasso, Paris. Réunion des Musées Nationaux 1994.
Cette exposition hommage est réalisée avec le concours du musée Picasso, Paris
du musée des Beaux-Arts d’Orléans
du musée des Beaux-Arts de Quimper
de collections privées sans lesquelles cette exposition ne serait
et de la Communauté d’Agglomération du Pays d’Aix
dans le cadre de la Saison Picasso 2009